Réflexion : L’obsession du pouvoir de la prédation contre la démocratie au Maniema (RD Congo) : vers une doctrine de « qui perd, gagne » ?

Kinduinfo.net vous propose la réflexion du Professeur Fraternel D. Amuri sur le processus de l’élection du Gouverneur et du Vice Gouverneur au Maniema.

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L’obsession du pouvoir de la prédation contre la démocratie au Maniema (RD Congo) : vers une doctrine de « qui perd, gagne » ?

Réflexion du Professeur Fraternel D. Amuri

“Facts are stubborn things, and whatever may be our wishes, our inclination, or the dictates of our passions, they cannot alter the state of facts and evidence.” John Adams[1].

Introduction

Ce jour-là, le 28 mars 2018, l’homme de la Majorité présidentielle (MP) s’est écroulé comme un vieux bananier sous le coup d’une brise. Il s’agissait bien de Justin Omolela Selemani qui n’a eu que 7/24 voix face à l’indépendant, chef Tunda Kasongo Prosper, qui a gagné l’élection avec 16/24 voix. Un autre, l’indépendant Felix Djunga (député provincial), n’a eu qu’une seule voix tandis que le plus jeune des candidats, Godefroy Kahambo Mwanabwato, indépendant sans statut de député, n’a rien eu dans cette rude épreuve.

L’élection du nouveau gouverneur, Tunda Kasongo Prosper, et de son colistier, Pataule Kalema Josué (vice-gouverneur), constituait désormais une page tournée pour la majorité des Maniemiens. Les manifestations de joie à travers la ville de Kindu et les lettres ou messages de félicitations en direction du vainqueur, ont bien confirmé la popularité[2] et l’ancrage de l’intéressé dans l’espace électoral du Maniema d’en bas[3].

L’euphorie des scènes de liesse, en attendant l’investiture de Tunda, a cependant été brutalement interrompue à la suite du contentieux électoral soulevé par la MP. Pour annihiler la portée sociologique de la victoire de Tunda dans ce contexte de survie politique du régime, cette dernière évoque le statut de chef coutumier qui serait incompatible avec l’exercice de fonctions de gouverneur, voire son éligibilité. Il est pourtant bien connu de tous les juristes sérieux et indépendants d’esprit, que ni la Constitution (article 207) ni la loi fixant statut des chefs coutumiers n’empêchent ces derniers de postuler pour un mandat électif. Le chef coutumier n’est pas un agent de carrière des services publics de l’Etat[4]. Le droit est toujours limité face à la politique, celle-ci tenant tout en état.

De la Cour d’appel de Kindu à Cour suprême de justice : deux vérités contrastées d’une même réalité politique inaltérable

“How many legs does a dog have if you call the tail a leg? Four. Calling a tail, a leg doesn’t make it a leg.” Abraham Lincoln[5]

De prime abord, il convient de souligner que, même si le bureau d’études de la MP avait proposé de remplacer Justin Omolela Selemani (7/24 voix) par un député provincial de leur obédience, rien ne leur aurait permis de gagner l’élection dans ce contexte précis. Peut-être, l’échec aurait été allégé en termes de nombre de voix que le nouveau aurait obtenues. En d’autres termes, même en l’absence de Tunda, tout autre indépendant mais député provincial identifié avec le Maniema d’en bas, gagnerait face à Omolela, voire face à tout autre candidat de la MP, national ou provincial soit-il. Ceci est simplement vrai dans la mesure où l’enjeu consistait et consiste encore à se débarrasser de tout candidat sur qui pèserait la présomption de vouloir prendre le pouvoir pour reproduire le système de prédation incarné par le camp dominant (Pouvoir).

Floués par le récent arrêt de la Cour suprême de justice annulant l’élection de Tunda et le déclarant inéligible au poste de gouverneur, les mêmes députés sauront prendre leur revanche. Ce scenario de sanction négative à l’égard de la MP a encore toutes les chances de se reproduire lors du nouveau scrutin que cette Cour a recommandé dans son arrêt de vendredi 20 avril 2018. L’on sait pourtant que la Cour d’appel de Kindu avait confirmé Tunda comme vainqueur à la suite d’une audience publique organisée à ce sujet.

Pour mémoire, la Majorité présidentielle a introduit à la Cour d’appel de Kindu une requête en contestation des résultats provisoires de l’élection de gouverneur et vice-gouverneur de la province du Maniema tenue à Kindu le 28 mars dernier. L’huissier judiciaire de la Cour a notifié les requérants ce jeudi 05 avril 2018. En effet, la requête de la Majorité présidentielle a été introduite contre la CENI, le gouverneur élu Tunda Kasongo Prosper et son vice Pataule Kalema Josué. Ainsi, la Majorité présidentielle a demandé, en guise de premier scenario, à la cour de (d’) :

– Déclarer le Chef Tunda Kasongo inéligible ;

– Annuler les voix attribuées à la liste des indépendants reprenant respectivement Tunda Kasongo Prosper et Pataule Kalema Josué ;

– Proclamer élu la liste venant en ordre utile des suffrages obtenus, en l’espèce, celle comportant Omolela Selemani Justin et Nyangilolo Museme Michel, respectivement gouverneur et vice-gouverneur.

En outre, les avocats de la Majorité présidentielle ont demandé, à titre subsidiaire, si la cour passait outre la demande principale, ce qui suit :

– Déclarer Tunda Kasongo Prosper inéligible ;

– Annuler le vote du 28 mars de l’élection des gouverneurs du Maniema ;

– Ordonner à la CENI d’organiser un nouveau scrutin dans le délai[6].

En dépit de toutes les prétentions de la MP, la Cour d’appel a rendu son verdict, mercredi, le 11 avril, en déclarant irrecevable la requête en annulation de l’élection de Tunda Kasongo Prosper comme gouverneur du Maniema, introduite par la Majorité présidentielle, pour défaut de qualité. La Cour estime que le Secrétaire général de la MP, Aubain Minaku, manque de qualité par le fait qu’il n’est pas couvert par un document officiel lui donnant droit de mandater par procuration spéciale les avocats d’ester en justice contre l’élection du nouveau gouverneur élu en date du 28 mars dernier.

De ce qui précède, il ressort que les juges[7] ont démontré leur indépendance et le sens du devoir[8], à la fois en phase préélectorale et post-électorale ; ils ont en fait choisi, contre vents et marées, d’entrer dignement dans l’histoire de la justice électorale en RD Congo. La MP, après quelques jours de profonde déception, a cru se ressaisir en lançant un nouveau front : il s’agissait de contester devant la justice le statut du vainqueur (Tunda) sous prétexte qu’il est chef coutumier et qu’en tant que tel, ne méritait pas exercer les fonctions de gouverneur de province. L’on semble ainsi oublier que sa candidature était écartée juste après son dépôt[9]. En réalité, sans la victoire, personne ne se préoccuperait de savoir davantage sur les contours du statut de chef coutumier de Tunda, qui, du reste, n’est en rien incompatible avec les fonctions de gouverneur de province.  Par précaution, Tunda avait été remplacé par quelqu’un d’autre, un nouveau chef coutumier. Ce dernier, ayant succédé à Tunda depuis sa cooptation à la députation provinciale en 2006, a été présenté au public par un groupe de 45 autres chefs coutumiers. Ils ont ainsi livré leur déclaration à la presse pour rassurer ceux qui voulaient contester l’élection de Tunda[10].

Comprendre les enjeux d’un contentieux électoral socialement inopportun : quand les intérêts des individus sacrifient le bonheur collectif des masses

Vendredi, 20 avril 2018, la Cour suprême de justice a rendu son arrêt annulant l’élection de Tunda. Ceci était sans surprise pour tout celui qui sait scruter l’univers politique congolais, marqué par une présidence fin-mandat et qui refuse d’appartenir au passé. Objectivement parlant, la détermination de la MP de se débarrasser du vainqueur de l’élection du 28 mars dernier, ne devrait pas surprendre car ayant des raisons évidentes pour les auteurs de l’initiative.

En effet, pour le régime en place, c’est « la fin qui justifie les moyens ». La vérité douloureuse que le régime a réussi à éloigner de sa face, c’est de ne jamais glisser vers la prise en compte du « qu’en-dira-t-on ? » de ses actes, donc pas question d’« états d’âme » ni d’opinion à s’en faire. Apparemment, les acteurs du camp dominant semblent s’être posé une question qui justifie l’attitude adoptée : Faudrait-il encore valoriser à Kinshasa (Cour suprême de justice), la démocratie qui a fait justice à Tunda à Kindu au risque de perdre le contrôle du Maniema, pourtant considéré comme le bastion actuel du régime ?

Dans d’autres circonstances, il était déjà fait observer que l’initiative de la motion qui a fait partir Pascal Tutu, n’avait rien d’authentique comme action politique. Cette motion est intervenue au niveau de l’Assemblée provinciale du Maniema après le long silence coupable de 7 ans de complicité (partage de prébendes)[11]; c’était plutôt une consigne donnée d’en haut pour créer un simulacre de respect de procédures pour évincer le gouverneur défaillant et de le remplacer par un autre client par le mécanisme classique de légitimation, à savoir l’élection commanditée. Pour preuve, c’est le même initiateur de la motion de défiance contre Pascal Tutu qui surgit avec une déclaration étonnante pour les non-avertis, mais qui demeure compréhensible pour tout celui qui suit de près les manœuvres du Pouvoir sur ce dossier.

En fait, le tombeur de Tutu, Djumaini bin Malisawa (député provincial de la circonscription de Kabambare) est très courroucé de voir que la MP est dépassée par le cours des événements : l’homme qui était préparé, a été démocratiquement contourné, contre toute attente (pour eux, car habitués à la formule d’imposition : plébiscite). Djumaini a ainsi menacé la population de la ville de Kindu, annonçant que les policiers étaient autorisés par le Pouvoir de tirer sur tous ceux qui s’opposeraient à l’idée de retirer au nouveau gouverneur (Tunda), la victoire gagnée par les urnes le 28 mars.

Dans sa déclaration sur Radio Mali (Maniema-Libertés), Malisawa a recommandé aux potentiels contestataires de ne pas oublier de dire aurevoir à leurs enfants, épouses et parents car ils recevraient des balles dans leurs têtes[12]. Vous avez, là, un auteur intellectuel de potentielles violences. Il a dit que le Chef de l’Etat ne peut pas signer une ordonnance pour permettre à Tunda, un chef coutumier, de diriger le Maniema. Donc, il instruirait même le principal patron, lui qui n’est qu’un rapporteur du groupe des députés de la MP au sein de l’Assemblée provinciale ayant donné 7 voix lors de l’élection de gouverneur.

Il faut rappeler ici que les rapports de forces de certaines élites de Kabambare, seraient à l’origine de la fausse initiative de démantèlement de Tutu du sommet de la province du Maniema. Ça n’a jamais été dû au souci de servir la population du Maniema. Les preuves sont données par les comportements et actions des acteurs de la MP surpris par la configuration des faits réels. Leur candidat, Justin Omolela Selemani, avait déclaré, pour l’essentiel de son programme d’action, “Je ne vois pas mon échec, je suis le candidat de la Majorité présidentielle”, comme pour insinuer, “on a déjà réussi, même sans élection”. Cette formule du “déjà vu” sous Manara et Tutu n’a pas fonctionné en mars 2018.

Les élites politiques nationales du Maniema, elles-mêmes, ne sont pas exclues de cette crise qui crée une fausse impression d’être une situation indéchiffrable : le candidat de la MP s’est fait adouber par un boss qui n’a pas d’assise au Maniema, ce qui sonne comme une façon de défier les “brokers” (les représentants se considérant comme des incontournables au Maniema). Cette situation provoque des clivages entre élites, dont les effets sont prévisibles sur le plan politique à court, moyen et long terme.

Comment ce gouverneur MP, imbu de sentiment naïf d’indépendance, se comporterait, à la fois, à l’égard de la majorité des députés qui lui ont certainement refusé leurs voix et face aux “incontournables” (brokers) du Maniema ? Il ne peut pas prétendre ignorer les défis de gestion en contextes clientélistes, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer les actions prioritaires à financer ou simplement de régler les questions jugées vitales pour l’existence politique de différents acteurs-clés. Les influences des acteurs outsiders rencontreraient donc une résistance certaine au niveau local ou provincial.

En guise d’illustration, la gestion de fonds destinés à la construction d’un nouveau barrage, qui seraient déjà disponibles à Kindu, est évoquée par les gens mieux introduits dans les circuits de la politique du Maniema. En d’autres termes, les travaux de construction du barrage risqueraient simplement d’être bâclés si pas abandonnés, comme certains chantiers dans bien des provinces ; les fonds seront en grande partie émiettés par le partage entre géants qui ont décidé de fermer les yeux devant une victoire propre et honorable de leur compatriote. Dans le Haut-Uélé ou le Bas-Uélé, il y aurait un chef coutumier élu vice-gouverneur, mais cela n’a suscité aucune contestation.

La complexité est bien évidente quand on sait que les principales élites en position de force aujourd’hui au Maniema sont divisées : ces élites s’alignent les unes derrière Tunda, les autres derrière Omolela, bien qu’étant toutes de la MP. Le cocktail est potentiellement explosif malgré la marginalisation de Tunda. Presque tous les candidats avaient promis de faire réhabiliter la route Kasongo-Salamabila-Bukavu, ce qui correspond à l’axe fort du pouvoir économico-financier et politique de cette période au Maniema. Peut-on prétendre mieux réaliser tous les projets annoncés sans l’appui des députés dont se méfie la MP, et surtout des “brokers” dont l’influence sur les espaces logeant la fortune est bien évidente ?

Le camp gagnant des urnes désabusé : les limites de l’éthique face au réalisme politique du camp perdant  

« Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus : tel est le précepte à donner. (…) Et d’ailleurs, un prince peut-il manquer de raisons légitimes pour colorer l’inexécution de ce qu’il a promis ? » Nicolas Machiavel[13]

En introduisant son chapitre XVIII (« Comment les princes doivent tenir leur parole »), Machiavel faisait observer ceci :

« Chacun comprend combien il est louable pour un prince d’être fidèle à sa parole et d’agir toujours franchement et sans artifice. De notre temps, néanmoins, nous avons vu de grandes choses exécutées par des princes qui faisaient peu de cas de cette fidélité et qui savaient en imposer aux hommes par la ruse. Nous avons vu ces princes l’emporter enfin sur ceux qui prenaient la loyauté pour base de toute leur conduite »[14]

Le propos qui précède, se rapporte aux subtilités liées à la perspective adoptée par le chef Tunda Kasongo, le vainqueur de l’élection du 28 mars, aujourd’hui floué par le régime en place.  Préoccupé par la paix sociale et fort de sa brillante victoire, Tunda n’a trouvé aucune raison d’afficher des comportements triomphalistes face aux prétentions du camp adverse, celui de la Majorité Présidentielle (MP) représenté par le perdant Justin Omolela Selemani. Outre la position personnelle de Tunda, les signaux envoyés par les autres acteurs, individuels ou collectifs, en soutien à ce dernier, n’étaient pas de nature à dissuader le camp présidentiel dans sa démarche de saboter la victoire de ce candidat indépendant[15].

En effet, l’approche pacifiste, ou civilisée, adoptée par le camp vainqueur a simplement été minimisée et interprétée comme une manifestation de faiblesse. Le fait notamment pour Tunda de compter patiemment sur la bonne foi du Président Joseph Kabila, l’« autorité morale » de la MP,  plutôt que de rappeler au Président de la République de remplir son devoir constitutionnel, celui de consacrer par ordonnance, cette victoire bien méritée face au candidat défaillant de la MP, a été exploité par le camp du perdant des urnes.

En fait, il était inopportun pour Tunda de rappeler la convergence entre ses actions sur le terrain et la vision du Chef de l’Etat. Le fait que les initiatives en matière de développement d’un acteur social ou politique s’intègrent dans les lignes de politique d’un Président sortant, ne peut garantir de gagner la sympathie de ce dernier. Dans un contexte de frustration qu’éprouve le chef d’un régime avec son entourage (les gardiens du temple) face à un candidat, ancien membre de son parti mais devenu indépendant, sorti vainqueur dans le bastion du même régime : Tunda venait d’administrer une gifle au Prince, ce qui correspondait à une faute lourde dans l’entendement de la MP. Voici, en guise de rappel, les propos exprimant la loyauté bafouée de Tunda depuis l’étape du contentieux électoral à Kindu :

« Le nouveau Gouverneur de la province du Maniema demande à la population d’être calme. Excellence Tunda Lukali Prosper, Ambassadeur pour la Paix, appelle tout le monde à la retenue : ‘’Je m’adresse surtout à mes enfants, les jeunes. Je ne voudrais pas que vous puissiez descendre dans la rue en train de faire le tapage’’ dit-il. ‘’Nous sommes dans la période de contentieux électoral, qui est légale. Le législateur congolais est intelligent, il a vu qu’en matière électorale, il y a toujours des contestations. Moi je suis habitué à ça ; en 2006, je suis allé jusqu’à la cour d’appel, la justice reste la justice.’’

Pour le Nouveau Gouverneur, ce qui est écrit est écrit, Dieu est fidèle : ‘’J’ai été élu démocratiquement et c’était la victoire de Joseph Kabila parce que je suis du côté du pouvoir et nous devons continuer […] le Chef de l’Etat et la population. Nous irons répondre à la cour, nous allons nous défendre et la Justice va rendre l’arrêt et nous allons tous savoir l’issue et Dieu n’acceptera pas qu’on puisse voler à la population leur victoire’’

Pour le nouveau Gouverneur, les députés n’ont pas été influencé par qui que ce soit et ont voté en âme et conscience. Tunda Kasongo indique que c’est la première fois que les députés ont exprimé leur souhait et c’est le début de la démocratie dans la province du Maniema. ‘’Nous allons continuer comme ça sans interférence, que le meilleur gagne.’’

Tunda dit être au service du Président de la République et dit suivre sa ligne de conduite ‘’Surtout moi, je comprends très vite. Lorsque j’ai vu le contenu de des 5 chantiers, j’ai adhéré tête et pied et mes œuvres sont palpables dans la province du Maniema’’

‘’Je réitère donc le message de paix. Je ne voudrais pas que vous entriez dans la maison de quelqu’un et cassiez des choses. Ne scandez pas des propos hostiles à qui que ce soit. Voilà le message que moi votre Gouverneur j’avais à vous donner. Restez calmes. Le Chef de l’Etat Père de la Démocratie va m’investir et restaurer la justice. Nous serons heureux de travailler main dans la main pour le développement de notre province’’. »[16]

Que l’on se rappelle que le candidat représentant le camp présidentiel a été incapable de réaliser même le 1/3 des voix (7/24) tandis que le chef Tunda a dépassé la moyenne des voix requise pour l’obtention d’une majorité absolue (16/24). En d’autres termes, si Tunda tenait à demeurer dans le giron du camp présidentiel ou à témoigner sa totale adhésion à la vision du Chef de l’Etat, il devrait renoncer au processus électoral à l’occasion de l’invalidation de sa candidature par la CENI. Sa détermination d’aller jusqu’au bout du processus a été perçue comme un affront.

Politiquement parlant, les résultats ont révélé à l’opinion tant locale que nationale et internationale, l’état de légitimité déplorable du régime dans le Maniema, longtemps perçu comme le principal bastion du régime jusqu’à la veille de cette élection-démystification. Il s’agissait d’une victoire qui venait d’ouvrir la boîte de Pandore pour les observateurs non-avertis et certains acteurs politiques crédules[17].  En dépit du sort imposé à base de considérations plutôt politiques que légales[18], la victoire de Tunda constitue en elle-même un état des lieux valant préfiguration du sort du PPRD et de la MP ainsi que leurs regroupements-satellites aux élections générales attendues et ce, quelle que soit l’année à laquelle elles seront organisées. Est-ce que les caciques du régime, ressortissants du Maniema, sauront convaincre les autres provinces sur l’opportunité de soutenir le PPRD ou la MP sans qu’ils soient en mesure d’offrir une moindre évidence de l’efficacité de ces structures dans leur propre province d’origine ?

Les autres provinces se sentent, en quelque sorte, inspirées par l’expérience électorale de gouverneur au Maniema. Les situations de déception enregistrées par la MP à Kisangani (Tshopo), à Kindu (Maniema) et au Kwango, sont plutôt riches de leçons sur l’état de légitimité du camp présidentiel. Malheureusement, comme sous Mobutu, malgré ces faits qui ne trompent pas sur l’avenir du régime, les courtisans continueront toujours à présenter au Président Joseph Kabila, des discours déconnectés de réalités et même des scenarii-catastrophes ; les options préconisées à la plupart des problèmes cruciaux actuels,  sont foncièrement dictées par l’esprit triomphaliste que commandent leurs intérêts, sans en mesurer les conséquences politiques à différentes échelles (locale, nationale, régionale voire internationale)[19].

Par ailleurs, le vote majoritaire des « députés provinciaux pro-alternative au Maniema » contre le PPRD et la MP, non plus seulement contre leur candidat en tant qu’un individu au profil controversé, a une grande valeur prédictive sur l’avenir politique du camp présidentiel aussi bien au niveau provincial qu’au niveau national: ce vote correspond à un format réduit de l’ampleur du rejet  qui se manifestera dans le vote populaire (suffrage universel direct) ; l’annulation très contestable de l’élection de Tunda renforcera parmi la population électorale, le rejet de la MP. Il est même possible d’établir une corrélation positive entre ce rejet déjà amplifié par la frustration générale de la population, et l’intransigeance bien compréhensible de la part du camp présidentiel.

L’on sait bien que la perte de Kindu ou du Maniema en général affecterait sérieusement le leadership des élites politiques qui s’en réclament comme les « brokers ». Ce sentiment d’insécurité que ces élites éprouvent par rapport aux nouvelles dynamiques en cours, surtout après l’élection du 28 mars, les entraîne à poser des actes ou à tenir des discours contre-productifs et disqualifiants par rapport à leurs ambitions politiques affichées. Rivalisant entre elles par des initiatives de nature à impressionner celui qu’elles appellent affectueusement « Autorité morale » (entendez : le Président Joseph Kabila), ces élites s’autodétruisent en même temps qu’elles ternissent l’image de cette dernière pour qui elles disent se battre.

Se fondant sur le raisonnement de coûts-bénéfices des décisions politiques[20], il y a lieu de s’interroger sur les dividendes qui seront tirés par la MP de l’annulation de l’élection de Tunda dans le futur (moyen ou long terme). Dans la réflexion du 7 mars 2018, soit trois semaines avant l’élection proprement dite (28 mars), il était annoncé l’échec du candidat de la MP pour des raisons évidentes :

« (…) Il est simplement impensable, sinon naïf, de continuer à imposer systématiquement, donc sans consensus, au travers des mandats politiques et même au-delà, comme c’est le cas aujourd’hui au Maniema, des élites recrutées au niveau central (Kinshasa) en lieu et place de celles du niveau provincial qui pourtant sont réputées à la fois les plus compétentes pour élire librement qui elles veulent et les plus légitimes pour être élues comme gouverneur de province au sein de leur institution légale (Assemblée provinciale). Il est simplement inconcevable que le candidat gouverneur, dans un système de clientèles, vienne d’ailleurs (niveau central, une aire géographique définissant une clientèle à part) et que l’on continue à croire que les députés provinciaux relevant de la Majorité présidentielle, maintiendraient leur loyauté ou allégeance en tant que clients vis-à-vis de leur parti, leur alliance ou leur patron. »[21]

C’est ici le lieu de déplorer les dérapages des discours politiques de certaines élites du Maniema dans le contexte actuel du pays. En effet, il est surprenant que Monsieur Joseph Kokonyangi, se passant de son statut officiel de Ministre de l’Urbanisme et Habitat, se contente de son titre partisan (Secrétaire général adjoint de la Majorité Présidentielle) pour tourner en dérision à la fois le vote des députés provinciaux et l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Kindu sur l’élection contestée de Tunda en qualité de gouverneur. Qualifier l’Assemblée provinciale d’une structure incarnant l’escroquerie[22] et déclarer que la Cour d’appel n’a pas dit le droit sont des propos politiquement disqualifiants. Prétendre même voir à travers ce fiasco électoral connu par son camp politique, une présence de Moïse Katumbi, candidat annoncé à la présidentielle du 23 décembre 2018, tout en impliquant dans sa lutte tous les ressortissants du Maniema (« ses frères du Maniema »), dépasse tout entendement.

Sachant qu’il est identifié avec un parti politique (AFDC) et une plateforme politique (MP) bien connus, deux sites de pouvoir liés au régime en place, qui ne sauraient avaler l’identité politique de la province du Maniema, Kokonyangi ne devrait pas annoncer qu’il allait convaincre « ses frères maniemiens » de Kinshasa pour s’opposer à une présence supposée de Moïse Katumbi au Maniema. Cette agitation révèle au Congolais moyen, l’ampleur des craintes éprouvées face à cet adversaire politique ; c’est assurément un aveu de déséquilibre ressenti par la MP depuis que la victoire de Tunda a apporté un cinglant démenti sur le statut de « Maniema, bastion du régime ».

La population du Maniema s’est exprimée à travers la majorité de ses représentants (députés provinciaux) ayant voté massivement en faveur de l’alternative. Comment Kokonyangi peut-il prendre plaisir à dire que Moïse Katumbi, ou tout autre candidat de l’opposition, serait déclaré persona non grata au Maniema ? Serait-il en train de confondre le Maniema d’en bas (celui des victimes) en quête de changement avec le Maniema d’en haut (celui de ses « frères de pouvoir ») soutenant le statu quo par la contestation d’une victoire électorale démocratique ?

Une autre surprise désagréable vient de Monsieur Emmanuel Ramazani Shadari, le Secrétaire permanent du PPRD, exposant, sans le savoir ni le vouloir, les preuves de l’accaparement des ressources financières publiques au profit des militants, acteurs privés[23]. En effet, au cours d’une manifestation publique de son parti, d’après la vidéo en circulation via WhatsApp qui met en vedette le Secrétaire permanent du PPRD, ce dernier explose en vantant les capacités financières de son parti qui incarne le pouvoir d’Etat.

Le caractère immoral et atypique de ses propos exaltant le pouvoir de l’argent pour susciter l’ardeur des militants et leur promptitude de réaction aux injures de leurs adversaires politiques, est simplement affligeant et terrifiant. Voici quelques mots de cette élite du Maniema, député national de son état, hier Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur et l’un des « backers » (supporters acharnés) du candidat défaillant, Justin Omolela Selemani, dans la conquête du gouvernorat du Maniema :

« (…inaudible) Parti ya Président Kabila.

Nayebisi bino, côté mopartase, côté lare, côté mopartase, côté mumbele, côté wana (avec gestes de la main palpant les billets de banque), biso toza pouvoir, toza parti au pouvoir (applaudissements frénétiques ininterrompus)

 

Ngai chef ya parti présidentiel

Nakotiya bino nini … ?

Lare (réponse des militants, suivie d’applaudissements frénétiques)

 

Awa boye ebele lelo, bokozonga na ndako, bakobanda ko attaquer bino

Ah bino bokoti na parti wana, parti ya miyibi, bafingaka biso.

Botika kobanga (applaudissements)

 

Bafingi yo, yo mpe osali nini ?

Yo mpe ofingi (réponse des militants)

Yebisa ye, soki oza voyou, ngai mpe naza voyou !

Moto alobi « mama na yo », yo mpe ozongisa “mama na yo »

Ngai mpe nazali député, bavota ngai na 2006 (applaudissements)

 

Fyoto, fyoto, nayebisi bino lisusu, ngai Shadari, fyoto, fyoto

Nayebisi yo nini ?

Fyoto, fyoto (réponse des militants)

Nafingi yo na nko » (applaudissements ininterrompus)[24]

 

Ces mots, repris dans leur version lingala[25], reflètent une consécration de l’immoralité sur la place publique, foulent au pied l’éthique requise en politique[26] et frisent la concurrence déloyale à l’égard des partis dépourvus de ressources. L’on y décèle le triomphalisme guerrier affiché ou le potentiel de violence incarné par le porte-étendard du parti, les indices d’un enrichissement facile sans cause, la banalisation de la corruption politique, l’aveu à peine voilé d’un parti ou régime étiqueté kleptocratique[27], les injures publiques en tant qu’atteinte à la pudeur avec les mamans comme cible[28]. Peut-on prendre un tel exemple dans le contexte stratégique d’une communication politique quand on sait bien que les femmes représentent le gros de l’électorat dans la plupart des pays ? Est-ce que les mamans ne mériteraient pas mieux dans la politique congolaise moderne ?[29]

 

Sur le plan de la socialisation politique, il faut bien déplorer la carence de discours à portée éducative pourtant nécessaires à l’élévation de la culture politique des citoyens. Les partis politiques ont aussi pour rôle, d’éduquer leurs membres en tant que citoyens : leur apprendre leurs droits et leurs devoirs. Le contexte politique même (année électorale) aurait suscité un engouement pour ce type d’activités préparant les citoyens en général en vue de leur permettre d’intérioriser les valeurs et les principes démocratiques, en plus des dispositions relatives à la loi électorale pesant sur les électeurs et les candidats potentiels[30].

 

Faut-il conclure ?

 

Plutôt que de prôner un discours défaitiste ou fataliste en direction du camp du vainqueur d’hier, dont la victoire a été simplement confisquée par la force des acteurs dominants (la politique dans sa métaphore du lion et du renard machiavéliens), non par le droit (lois et procédures générales et impersonnelles), il convient de rappeler aux uns et aux autres que l’histoire est remplie d’exemples de toutes les situations vécues aujourd’hui (notre époque).

Ainsi, pour attirer l’attention de tous, le camp vaincu d’hier devenu vainqueur d’aujourd’hui, et le camp vainqueur d’hier devenu vaincu d’aujourd’hui, sur les dynamiques politiques en cours en RD Congo, qu’il suffise de lire ces deux longs extraits : le premier se rapporte au chapitre IX (« De la principauté civile ») de Nicolas Machiavel ; le second s’inspire de la réflexion du 7 mars 2018 de Fraternel Amuri. Ce sont, en fait, des exhortations sur la nécessité de favoriser des compétitions politiques saines, transparentes, loyales, voire humanisées. Ces propos inspireront aussi bien les gouvernants que les gouvernés, quels que soient leurs statuts sociaux respectifs :

« La principauté peut être également l’ouvrage soit des grands, soit du peuple, selon ce que fait l’occasion. Quand les grands voient qu’ils ne peuvent résister au peuple, ils recourent au crédit, à l’ascendant de l’un d’entre eux, et ils le font prince, pour pouvoir, à l’ombre de son autorité, satisfaire leurs désirs ambitieux ; et pareillement, quand le peuple ne peut résister aux grands, il porte toute sa confiance vers un particulier, et il le fait prince, pour être défendu par sa puissance.

Le prince élevé par les grands a plus de peine à se maintenir que celui qui a dû son élévation au peuple. Le premier, effectivement, se trouve entouré d’hommes qui se croient ses égaux, et qu’en conséquence il ne peut ni commander ni manier à son gré ; le second, au contraire, se trouve seul à son rang, et il n’a personne autour de lui, ou presque personne, qui ne soit disposé à lui obéir. De plus, il n’est guère possible de satisfaire les grands sans quelque injustice, sans quelque injure pour les autres ; mais il n’en est pas de même du peuple, dont le but est plus équitable que celui des grands. Ceux-ci veulent opprimer, et le peuple veut seulement n’être point opprimé. Il est vrai que si le peuple devient ennemi, le prince ne peut s’en assurer, parce qu’il s’agit d’une trop grande multitude ; tandis qu’au contraire la chose lui est très aisée à l’égard des grands, qui sont toujours en petit nombre. (…) Observons, au surplus, que le peuple avec lequel le prince doit vivre est toujours le même, et qu’il ne peut le changer ; mais que, quant aux grands, le changement est facile ; qu’il peut chaque jour en faire, en défaire ; qu’il peut, à son gré, ou accroître ou faire tomber leur crédit. »[31]

« Pour consolider les allégeances dans un système de clientèles, il est fondamental que le recrutement politique reflète une certaine consistance par rapport à chaque niveau de légitimité et qui corresponde à un niveau spécifique de clientèles.  La démocratie électorale peut contribuer à légitimer même un ordre autoritaire pourvu que son application soit effective partout où l’élection est requise comme mode de désignation des gestionnaires. Imposer un candidat de la Majorité, non accepté, quel qu’en soit le motif, peut surprendre par ses effets : non seulement le candidat de ladite Majorité peut être abandonné au profit d’un indépendant ou un opposant, mais surtout le sentiment de méfiance qui s’installe pourrait entraîner un désengagement total de certains membres vis-à-vis du camp dominant (Majorité) pour compenser leur frustration. En fait, c’est le régime qui en pâtirait au finish si une telle reconfiguration d’attitude au niveau de provinces devait se généraliser. »[32]

23 avril 2018.

Professeur Fraternel D. Amuri

framuri23@hotmail.com

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Note de référence

[1] Ch. L. Gross (Ed.). 2016. Presidential Wit & Wisdom: More than 250 Classic Quotes from America’s Greatest Leaders, Hallmark Gift Books, 2016, p. 27. Ces mots de John Adams (deuxième président américain) sur « l’honnêteté et la vérité » signifient en français : « Les faits sont des choses têtues ; et quels que soient nos désirs, nos inclinations ou les diktats de nos passions, ils ne peuvent altérer l’état des faits et des preuves. »

[2] C’est à juste titre que certains acteurs politiques de la Majorité présidentielle ont cru voir dans cette victoire-surprise, la présence de Moïse Katumbi ou simplement un Moïse dans son rôle de libérateur d’une population opprimée. On y reviendra plus loin.

[3] Le « Maniema d’en bas » est une expression qui désigne ici la population, mieux, les gouvernés généralement identifiés comme des victimes d’actions et politiques inefficaces des gouvernants. Ce Maniema s’oppose ainsi au Maniema d’en haut incarné par tous ceux qui détiennent une parcelle d’autorité dans les institutions publiques et surtout les détenteurs du pouvoir politique aussi bien au niveau provincial qu’au niveau national. Ce sont des élites politiques sur qui pèse la responsabilité de la misère de la population du Maniema à cause de leur attitude complice.

[4] Quelles que soient les raisons avancées pour évincer ce chef coutumier, il est clair que sa victoire demeure légale.

[5] Ch. L. Gross (Ed.). 2016., op. cit., p. 28. Ces mots d’Abraham Lincoln (16e président américain) sur « l’honnêteté et la vérité » se traduisent : « De combien de pattes dispose un chien si vous appelez la queue une patte ? Quatre. Appeler une queue une jambe, n’en fait pas une jambe ».

[6] Ch. Londe, « Election de gouverneur : ce que la MP demande à la Cour d’appel de Kindu », http://kinduinfo.net/2018/04/05/election-des-gouverneurs-ce-que-la-mp-demande-a-la-cour-dappel-de-kindu/ [Consulté le 05 avril 2018 ]

[7] Appelés conseillers au niveau de la Cour d’Appel.

[8] Il s’agit de l’obligation de rendre service en toute équité, notamment dire le droit sans autres considérations contraires à la loi.

[9] La liste de Tunda Kasongo et son colistier Pataule Kalema avait été invalidée avant d’être réintégrée à la suite d’un arrêt rendu par la Cour confirmant la légalité de la cette candidature. Sur les listes des indépendants invalidées, voir F. Amuri, « Parodies de la démocratie électorale au Maniema : à qui profitent les abus des gouverneurs imposés ? », http://kinduinfo.net/wp-content/uploads/2018/03/Reflexion-Professeur-Amuri-sur-les-elections-au-Maniema-2018.pdf [Consulté le 22 avril 2018]

[10] Ch. Londe, “Maniema: 45 chefs coutumiers disent non aux manœuvres tendant à contester l’élection de Tunda’’,  http://kinduinfo.net/2018/04/04/maniema-45-chefs-coutumiers-disent-non-aux-manoeuvres-tendant-a-contester-lelection-de-tunda/ [Consulté le 04 avril 2018]

[11] ‘‘Tukule wali, tusambale/tusambalane” [littéralement : mangeons le riz et dispersons-nous], une tradition héritée du premier gouvernement provincial remontant a 2006 avec Didier Manara Linga. Il s’agit d’une forme révolutionnaire de carpe diem illustrant la logique de prédation qui garantit une jouissance facile et dépourvue de toute obligation de rendre compte (redevabilité : Accountability). Or, la démocratie implique le contrôle.

[12] G. Mbambi, « Djumaini bin Malisawa : la police va tirer sur tout celui qui soutiendra l’élection de Tunda », http://kinduinfo.net/2018/04/04/djumaini-bin-malisawa-la-police-va-tire-sur-tout-celui-qui-soutiendra-lelection-de-tunda/ [Consulté le 04 avril 2018].

[13] N. Machiavel, Le prince, Edition du groupe « Ebooks libres et gratuits », p. 76-77. (Préface de Jean-Marie Tremblay) http://fr.groups.yahoo.com/group/ebooksgratuits

 Préfaçant l’œuvre de Nicolas Machiavel, Tremblay note avec pertinence : « Si on lit Le Prince avec attention, on verra que Machiavel, en se fondant sur des considérations d’intérêt, de sécurité, et surtout de puissance militaire, incite le Prince à créer les conditions de la république où il faut lutter contre les puissants, protéger les humbles, armer le peuple et non s’armer contre lui. On pourra découvrir dans Le Prince les fruits d’une réflexion sur les conditions réelles de la liberté ».

[14] Ibidem, p. 76.

[15] Beaucoup d’acteurs, individuels ou collectifs, sont intervenus pour appuyer Tunda. La MP, qui a une forte emprise sur les différentes institutions du pays, s’est imposée au mépris même de la légalité.

[16] Ch. Londe, Face à la forte tension à Kindu, Tunda Kasongo lance un message de paix, http://kinduinfo.net/2018/04/05/face-a-la-forte-tension-a-kindu-tunda-kasongo-lance-un-message-de-paix/ [Consulté le 05 avril 2018]

[17] Ils étaient nombreux à se faire bonne conscience sur la popularité illusoire du PPRD et de la MP au Maniema.

[18] En matière de contrôle de constitutionnalité, les abus d’un organe s’affichant plus politique que juridictionnel, de par sa composition, son mode de fonctionnement et sa mission, sont bien connus. Rien d’étonnant, face à une question éminemment politique, notamment le contentieux électoral portant sur le poste de gouverneur dans une province identifiée comme le bastion d’un régime en constante lutte pour sa survie, que le droit soit sacrifié au profit de la politique. En droit public (particulièrement, en droit constitutionnel), il est un principe sacro-saint, que l’on peut sacrifier la justice au profit de la sécurité, la paix sociale, l’ordre public. S’il en était ainsi, il est évident que la Cour suprême de justice déciderait en faveur de Tunda, ce qui n’a pas été fait. Y aurait-il plus de sécurité ou de paix ou encore d’ordre public si la population se soulevait contre cette injustice criante ? Le désordre au Maniema serait-il préféré à la paix sociale que recherchent désespérément certaines provinces du pays (Nord-Kivu, Kasaï, Ituri…) ?

[19] La témérité (irresponsabilité ou nationalisme ?) a même inspiré aux uns de se méfier du financement international des élections (alors qu’en réalité certains acteurs n’en veulent pas maintenant), aux autres de refuser de participer à des rencontres internationales de mobilisation de fonds d’aide humanitaire (alors qu’en fait on a déjà créé une structure d’Etat pour la gestion desdits financements d’aides de toutes sortes pourtant attendues d’urgence). Affectionner la rhétorique souverainiste devrait impliquer l’affirmation pragmatique de l’indépendance dans tous les domaines stratégiques de la vie d’un Etat. Des magistrats identifiés comme des faussaires sont brutalement révoqués par une procédure kamikaze jetant en pâture certains magistrats considérés comme relevant de l’Opposition. C’est tout ce qu’on ne sait pas observer dans d’autres cas de fraude grave dépassant même le rang de magistrat. Pour un dossier de plagiat avéré d’un mémoire de DES datant de 2015, qui a créé le doctorat de celui qui est à l’origine de l’acharnement contre le vainqueur à l’élection de gouverneur au Maniema, aucune sanction n’a été prise à ce jour. Au contraire, par des pressions du PPRD et de la MP, il est promu au grade de Professeur dans le même arrêté ministériel nommant sa victime, qui attendait plutôt le voir enfin sanctionné ! La prime au mal existe, on en a là une preuve. Dans une émission (Dialogue entre Congolais) diffusée mondialement à travers Radio Okapi, un co-débatteur (acteur politique) se permet d’indexer toute une communauté (nande, yira), l’accusant d’être à la base des groupes armés perpétrant tueries ou massacres dans leurs propres terroirs à Beni (Nord-Kivu). Quoi de plus affligeant pour ces familles de victimes assimilées aux bourreaux que l’Etat ne réussit pas à traquer ? D’autres acteurs politiques se montrant plus honnêtes et efficaces n’ont parfois pas le temps nécessaire pour matérialiser leur vision. En fait, beaucoup de choses échappent à la connaissance du Chef de l’Etat ; nombre d’intermédiaires peuvent facilement abuser de sa confiance en multipliant des occasions de mauvaises décisions pour l’impressionner, minant ainsi le régime par leurs effets inattendus et indésirables.

[20] Théorie du choix rationnel.

[21] F. Amuri, article cité, p. 17.

[22] Pour y mettre fin, Joseph Kokonyangi a même annoncé qu’il comptait demander à son camarade de la MP, le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, Mova Sakanyi, de dissoudre l’Assemblée provinciale du Maniema. Or, c’est grâce à la même Assemblée provinciale, avec les mêmes acteurs (députés provinciaux), que l’Alliance de la Majorité présidentielle (AMP en référence à la législature de 2006) devenue la Majorité présidentielle (MP en référence à la législature de 2011) avait réussi à imposer les deux anciens gouverneurs. Le bilan chaotique de ces derniers a été effleuré dans la réflexion du 7 mars 2018. Voir F. Amuri, article cité.  

[23] Le régime n’a pas su organiser les élections en 2016 et 2017, mais probablement aussi 2018, sous prétexte de moyens financiers autonomes déclarés insuffisants, en même temps qu’il continue à repousser le financement international au motif de préserver sa pleine souveraineté. La confusion de la sphère publique et la sphère privée de la vie étatique, la confusion entre les fonds de l’Etat et les ressources propres du parti incarnant le pouvoir d’Etat, révèle le mode de fonctionnement d’un Etat typiquement néo-patrimonial : C’est le parti du président de la république, côté mopartase, côté lare, côté mumbele…Les termes mopartase, lare et mumbele désignent l’argent.

[24] Transcription de l’élément audio-visuel (vidéo) reçu via WhatsApp ce samedi, 21 avril 2018.

[25] Le public visé étant essentiellement congolais, et pour des raisons d’ordre éthique, l’on s’empêche délibérément de traduire ces propos (injurieux) venant de cette élite politique de haut rang dans le régime. Tout lecteur curieux d’en savoir davantage, devrait se référer à ses réseaux personnels pour en recueillir une traduction commentée dans un cadre informel.

[26] La signature du code de bonne conduite par les partis politiques représenterait une simple formalité relevant de la routine non pourvue d’effets juridiques effectifs.

[27] ‘‘Parti ya miyibi’’, parti de voleurs. En fait, c’est le parti qui incarne le pouvoir d’Etat, donc le régime en place. Plus haut, Ramazani Shadari n’a pas hésité de dire « toza pouvoir » (littéralement : nous sommes le pouvoir, ou simplement l’Etat au sens institutionnel.  C’est un produit du subconscient de l’émetteur ayant à l’esprit l’idée de ‘‘Parti-Etat’’), avant de se raviser « toza parti au pouvoir » (nous sommes le parti au pouvoir). L’on sait pourtant que dans les faits, c’est la première version qui est opérationnelle (toza pouvoir). Or, officiellement, le gouvernement a un problème de ressources pour couvrir ses dépenses publiques dont les salaires des agents et fonctionnaires, ceux-ci étant parmi les groupes défavorisés.

[28] “Mama nayo’’ : mots utilisés pour dissimuler des injures touchant à l’intimité de la femme en tant que mère de l’adversaire. Il s’agit ici d’un délit touchant plus d’une victime : l’adversaire et sa mère injuriée.

[29] Manifestement, la modernisation des discours dans la communication politique ne fait pas partie du programme du parti.

[30] L’alibi sur lequel la Majorité Présidentielle a fondé son contentieux électoral atypique met au jour le vide du travail de vulgarisation de la loi électorale auprès des élites. Qu’en est-il des sujets incultes dont personne ne s’occupe au-delà de la campagne distillée sur le modèle triomphaliste ?

[31] N. Machiavel, op. cit., p. 40-41.

[32] F. Amuri, article cité, p. 17-18.

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